Rock en Seine 2022, festival de fausses notes en ouverture

On est fan ou on ne l’est pas. Mon ticket de concert pour voir les Arctic Monkeys à Rock en Seine, je l’ai acheté le mardi 24 novembre 2021 à 11h02. Soit à l’ouverture de la billetterie. Bonne surprise, quelques mois avant l’événement, j’apprends que Idles et Fontaines D.C. joueront le même jour. Trois superbes concerts pour le prix d’un !

Plus trop familier du site, j’indique au GPS la direction du Domaine de Saint-Cloud. Je trouve une place de stationnement sans vraiment chercher, aux portes du lieu. Me reste à parcourir les derniers hectomètres à pieds, environ 30 minutes de marche. J’arrive vers 17h, pour être large et ne pas manquer le concert d’Idles prévu à 19h20. C’est déjà la grande foule, il faut compter une bonne demi-heure pour accéder au site, non sans passer par une fouille très sommaire du sac à dos.

Sur place, j’assiste à une conférence organisée par Libé, intitulée « La fête c’est du sérieux », avec le DJ et producteur Arnaud Rebotini, ou encore le jeune réalisateur Arthur Lacomblez, qui donnera à méditer avec cette citation : « Nous sommes dans une société où le plaisir est coupable, nous vivons dans une société déprimée. » Puis c’est le concert d’Idles, leur musique crasseuse et jouissive est faite pour la scène. Quelle présence, quel charisme, et quels morceaux, inclassables et incassables. Un set parfait et un public conquis.

Et puis tout s’est compliqué. Alors que Fontaines D.C. joue à l’autre bout du site, je décide de m’hydrater avec une pinte de Pilsner. Je m’aperçois alors de l’étendue des dégâts. Nous sommes des dizaines de milliers sur un site qui semble soudain trop petit. On fait la queue. Ça dure longtemps. Très longtemps. Au point de devoir zapper le concert des Irlandais. Malin, j’avais téléchargé l’application Lyf pour éviter de faire une autre queue, celle du Cashless, et régler mes consommations rapidement. Autant le principe est pratique, autant la pratique est compliquée quand vous tombez sur une barmaid qui ne sait pas comment ça fonctionne, à 20h. Je passe sur le sourire en option, après tout, je me dis qu’on est à Paris, que ça doit faire partie de l’expérience client, comme on dit maintenant.

Je retourne vers la scène principale, histoire d’être en face, et pas trop loin si possible. C’est partiellement loupé : je suis en face, mais quand même très loin, alors que le concert commence dans plus d’une heure. La foule est déjà compacte. J’avais déjà couru 10 kilomètres le midi, je n’allais pas enchaîner avec un 250 mètres crawl. Tant pis. Mais quand même, ça m’interpelle. Et là, surprise ! Je découvre qu’un grand carré VIP a été installé devant la scène ! Ça s’appelle le « Golden pit ». Autant le carré or pour voir Sardou au Zénith, je comprends, autant là, je suis littéralement sur le cul. Des gens ont payé 30 euros de plus pour être dans les premiers rangs. Les quelques vidéos de concerts qui circulent aujourd’hui sont navrantes : on y voit un public de spectateurs sages sur Idles, contrastant avec la folie furieuse des fans rejetés sur le côté. Au moment de se jeter dans la foule, le guitariste en robe ne s’est évidemment pas trompé de zone. La honte absolue. Paris, c’est pas Glastonbury, c’est pas Reading.

Le concert commence et je suis pris à froid : les Arctic Monkeys envoient du lourd d’entrée avec « Do i wanna know ». Pour se venger de l’organisation bancale, les Anglais parqués autour de moi chantent très fort toutes les paroles. C’est de bonne guerre. Et puis, ça masque les problèmes de son rencontrés tout au long du concert. « On n’entend pas sa voix ! », « Mais c’est horrible ce son ! », « Le son arrive par vagues… ». Autour de moi, les commentaires sont unanimes, confirmant ma première impression. Autant le dire tout de suite, le problème ne sera jamais réglé. Alex Turner et son groupe, de leur côté, assurent. C’est la grande classe, avec un best-of des vingt dernières années. Ils n’ont plus forcément la rock attitude du début des années 2000, mais hey !, nous non plus !

Fin du show sur « Are U mine », on peut plier les gaules et se diriger vers la sortie, en se demandant si on avait assisté à un grand moment ou une vaste supercherie. La vérité est sûrement entre les deux. Sur la route du retour, c’est l’autoroute A6 un dernier week-end de juillet. Ça joue des coudes, ça râle, ça pousse, ça veut attraper un métro. C’est dangereux aussi, avec une seule et même sortie pour des dizaines de milliers de festivaliers, englués dans un goulot, un passage obligatoire par un tunnel qui sent le traquenard et le mouvement de foule. De l’autre côté, la rue et son trafic routier. Alors forcément ça s’entasse, ça se compresse. Faut aimer les t-shirts imbibés de sueur, faut pas penser au pire. De mon côté, je ne suis pas serein. Par chance, une barrière s’ouvre sur ma gauche, je me faufile par cette issue de secours inespérée pour passer au-dessus dudit tunnel. Pourquoi une telle sortie massive ? Pourquoi aucun bar n’était resté ouvert ? Histoire de fluidifier la fin de partie. Pourquoi les toilettes étaient déjà fermées ? Et plus grave, pourquoi certains postes de secours l’étaient aussi ? Sur Twitter, une jeune femme racontait son malaise et la manière dont personne ne lui avait porté secours. On traite le bétail comme du bétail.

Ma dernière visite à Rock en Seine remontait à 2006, quand Radiohead en était la tête d’affiche. Et déjà à l’époque j’en étais reparti avec le goût amer d’avoir été pris pour un jambon. J’avais tout simplement oublié.

Ce vendredi matin, le community manager de Rock en Seine a mis en ligne son post programmé très « happy tralala debout là-dedans », faisant fi des très nombreux témoignages de festivaliers mécontents de l’organisation. Chez les médias partenaires, pas une seule fausse note dans les comptes-rendus. Dans ma revue de presse, j’ai seulement trouvé un article du Huffington Post racontant la bronca contre le « Golden pit ». (EDIT : Télérama a publié un article dans l’après-midi du 26/08 reprenant les faits avancés.)

Allez hop, payez et circulez.

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