Jodorowsky’s Dune

Dune, Arrakis, planète des sables

Dune de Frank Herbert est l’un de mes ouvrages, si ce n’est mon ouvrage favori (au moins dans la SF), même si j’ai eu un peu moins d’enthousiasme avec la fin de la saga.

Détail préliminaire, je suis arrivé dans l’univers de Dune par l’intermédiaire du jeu vidéo au début des années 90, et dans un premier temps Dune 2 de Westwood Studios (qui a pour ainsi dire inventé le jeu de stratégie en temps réel), puis par le fantastique jeu Dune de Cryo qui reprenait l’histoire du bouquin. Seulement après, j’ai découvert les romans, il y a une quinzaine d’années grâce à un pote de fac qui me les avait fortement recommandés. Ça m’avait complètement emporté et initié à la Science-Fiction.

Sans être un expert, j’aime bien m’intéresser à tout ce qui touche à l’univers de Dune (livres, jeux de plateau, jeux vidéo, film, série TV, etc.) et j’avais bien entendu vu passer des infos sur projet d’adaptation de Dune par Jodorowsky dans les années 70, mais en revanche, je dois avouer que le film Jodorowsky’s Dune de Franck Pavich relatant ce projet était complètement passé à côté de mon radar.

C’est grâce à Gilles Da Costa (de l’excellent Posdcast Splitscreen) et au Docteur No (du non moins excellent Daily Mars) que j’ai appris son existence il y a quelques années.

Je me le suis donc procuré (initialement en VO sans sous-titres, français / anglais / espagnol / allemand) et l’ai visionné tout début 2015 et revu récemment avec le même plaisir.

À l’issue de ce visionnage, je pense que le Dune de Jodorowsky est le plus grand film de SF jamais tourné! En même temps ça tombe bien, il n’a jamais été tourné !

Et pourtant! Quel potentiel sur le papier !


Est-ce un film, un documentaire ? de quoi ça parle ?

Le film tourne autant autour du projet avorté, que du personnage d’Alejandro Jodorowsky, créateur chilien d’œuvres toutes plus folles, expérimentales, excentriques, hallucinées les unes que les autres dont El Topo ou La montagne sacrée.

Issu de la mouvance undergroud mexicaine, Jodorwsky arrive en France avec La Montagne sacrée qui obtient un certain succès. Suite à ça, Michel Seydoux, le producteur, propose à Alejandro Jodorowsky de produire son prochain film. Alejandro Jodorowsky se lance alors dans son projet le plus ambitieux: l’adaptation du roman Dune de Frank Herbert, un peu comme un pari.

C’est le début de la pré-production grandiose et mégalo de Dune durant 2 années et qui aboutira à un désastre, suite au refus des studios de le financer.

Voilà ce que raconte ce film.

Dès le début, une fois le script écrit, Jodorowsky va ainsi commencer à chercher des « guerriers spirituels » (c’est lui qui le dit) pour le mettre en place.



Le casting artistique et technique

Pour commencer, il s’attache les services de Jean Giraud, alias Moëbius, (juste après avoir parcouru Blueberry) pour le story-board, les personnages et les costumes.

Tout n’est qu’une succession de décisions sur des coups de tête comme celui-ci, avec un culot monstre et bien entendu, la chance qui en découle (jusqu’à un certain point).

Les anecdotes de recrutement sont parfois hallucinantes : il déboule comme une fleur pendant que Pink Floyd mixe Dark Side of The Moon, et Jodorowsky les engueule parce qu’ils ne comprennent pas qu’ils ont été retenus pour créer la musique du plus grand film de l’humanité!

Au rayon du casting on retrouve ainsi Salvatore Dali pour jouer l’empereur (après un jeu de bluff savoureux jouant sur la mégalomanie de l’artiste pour l’inciter à accepter), Amanda Lear pour la princesse Urulan, David Carradine dans le rôle du Duc Leto, Orson Welles pour camper le Baron Harkonnen, Mick Jagger pour jouer Feyd Rautha Harkonnen, et le rôle de Paul Atréides est réservé à son fils Brontis Jodorowsky à qui il va en quelque sorte pourrir l’adolescence avec un entrainement de guerrier (physique et spirituel avec un prof d’arts martiaux) pour ressembler au Paul Atreides du livre.

Pour la création musicale, Pink Floyd et Magma acceptent de créer la bande originale.

Au rayon de la technique, j’ai déjà évoqué Moëbius, auquel on peut ajouter Chris Foss extraordinaire illustrateur de science-fiction pour le design des vaisseaux (juste magnifiques).

Il embauche également H. R. Giger (qu’on connaitra plus tard pour son importance dans le design d’Alien) et enfin pour les effets spéciaux, Dan O’Bannon.

Le film est bien entendu illustré par diverses interventions de personnes citées précédemment mais également par des esquisses et prototypes d’époque très bien mis en scène et parfois animés pour donner vie à ce story-board.



Et là, c’est le drame…

Cependant, le passé artistique sulfureux va avoir raison du projet puisque malgré tous ces arguments, aucun producteur américain ne va vouloir le produire, par peur de l’ingérable, lunatique et délirant Jodorowsky : « c’est un projet formidable, mais il ne se fera pas ici ».

Le film était estimé à 15 millions de dollars à l’époque et il échouera à réunir les 2,5 millions manquants.

A 80 ans bien tapés, Jodorwosky continue de garder sa verve et son enthousiasme artistiques, sans trop faire ressentir de rancœur pour ce projet avorté à cause de sa personnalité, même si à l’époque cela avait été un cataclysme (c’était le projet de sa vie).

Passionné et sachant précisément ce qu’il voulait, n’était prêt à réaliser la moindre concession : « le film sera comme je le rêve,  vous ne changerez pas mon rêve ».

Il raconte tout de même qu’il était heureux quand il a vu le Dune de David Lynch puisqu’il l’a trouvé affreux, alors qu’il craignait que ce réalisateur qu’il admire lui « vole » son film et son succès.

D’ailleurs, il accable les producteurs et non Lynch pour le résultat final du film.

C’est un plaisir de le voir narrer toutes ses anecdotes de production ratée, le story-board et illustrations animés, laissant rêveur sur ce qu’aurait pu donner ce film, avec son regard encore pétillant et rieur

Trop grand, trop en avance sur son temps, trop fou ;  finalement peut être que ce fantasme de film est préférable à ce que le film aurait pu être en réalité.



Et si ce film n’avait pas totalement été avorté finalement… ?

La fin du film est époustouflante puisqu’elle consiste en l’égrenage de toutes les créations ayant hérité (ou s’étant inspiré) de ce non-film: de Star Wars à Aliens (pour lequel ont travaillé Moëbius, Giger, O’ Bannon et Foss) en passant par Terminator, Indianna Jones ou encore Prométheus.

Comment ?

Un bouquin d’un millier de pages avec tous les croquis, dessins, détails de mise en scène a été envoyé aux studios américains et c’est comme cela qu’il a imprégné tout une dose de créateurs par la suite.

Mais Jodorwosky s’est lui-même également auto inspiré puisqu’il a voulu faire perdurer ses créations aux travers des BD qu’il a pu réaliser par la suite.

Pour l’anecdote, il y a près de 10 ans, j’ai découvert l’intégrale de La caste de Méta Barons de Jodorowky et Gimenez au dessin que j’ai adoré et lue en un Week-End. Durant toute la lecture, je ne pouvais m’empêcher d’y voir des similitudes avec l’œuvre de Frank Herbert et je comprends désormais pourquoi.

Après est-ce que quelqu’un qui ne connait pas Dune, ou n’a pas aimé, trouverait ce film intéressant? Je pense que oui car il est révélateur d’une époque (sous influence de diverses drogues notamment), c’est une belle aventure (même si elle ne se termine pas comme espéré), elle met en avant Jodorowsky qui est un sacré personnage, et surtout, on constate que c’est une pierre angulaire de la culture de science-fiction dans laquelle vont baigner les années 70-80 jusqu’en 90, et donc forcément dont les réalisateurs actuels sont en quelque sorte les héritiers.

Le film se termine sur une citation de Jodorowsky qui me plait bien :

To fall is not important, we need to try

Illustrations en provenance du site The door of perception

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