Ikigami – Préavis de mort

L’histoire

Dans un pays quasiment dictatorial, afin de maintenir la prospérité du pays, tous les enfants se voient injecter un vaccin contenant une microcaspule à leur entrée à l’école, cette dernière entrainera la mort d’une personne sur mille parmi les jeunes entre 18 et 24 ans.

Cette mort est précédée par la remise d’un préavis de décès à la personne concernée, appelé Ikigami annonçant qu’il ne lui reste que 24h à vivre.

Que feriez-vous de vos dernières 24h ?

Fujumoto, fonctionnaire lambda chargé de délivrer l’Ikigami, initialement conditionné pour accepter cet état de fait, est de plus en plus distant et suspicieux concernant le bien-fondé de cette mesure, comment doit-il réagir lui qui n’a jamais réellement pris de décision dans cette société où l’espionnage règne en maitre ? Doit-il risquer de passer pour un « dégénéré » et jeter la honte sur sa famille ?

Avis

Il s’agit là d’un manga d’anticipation plutôt bien ficelé, dans lequel l’auteur Motorô Mase dénonce la manipulation des populations qui finissent par accepter voire encourager une procédure laissant la population vivre avec une épée de Damoclès permanente. Il alerte sur les dérives possibles dans nos sociétés lorsqu’on met trop en avant le patriotisme devant la réflexion et la liberté de pensée individuelles ; pour tout le monde c’est un devoir citoyen, presque fondamental qui cimente le pays.

Dans les premiers tomes (10 en tout), chaque chapitre raconte une tranche de vie de Fujimoto au moment de délivrer l’Ikigami, précédé par un bref historique de la future victime. Ainsi, on peut constater que quelle que soit l’appartenance sociale, personne n’est à l’abri de cette mesure injuste.

La présentation préalable du futur défunt apporte une touche d’émotion ou de revolte puisque pendant quelques pages, nous apprenons à le connaitre avant de le voir disparaitre, et du coup ce ne sont pas juste des individus, des noms sur une liste, mais des personnages avec une vraie histoire se terminant de manière aussi brutale qu’absurde.

On éprouve ainsi de l’empathie pour ces victimes et on ne peut s’empêcher de se poser la question de notre réaction en de telles circonstances, sachant qu’une conduite répréhensible déshonore la famille qui se voit montrée du doigt par le reste de la population et privée de toute mesure financière compensatoire.

L’évolution de Fujimoto est intéressante car il passe de simple fonctionnaire exécutant sans se poser de question sur ce que le pouvoir lui dit, à déviant (à force d’être touché par les histoires personnelles des familles détruites), entrainé par une jeune femme, même s’il n’ose jamais vraiment se lancer, se sentant toujours en danger d’être dénoncé ou de se retrouver piégé.

Cela m’a fait penser à 1984 de Georges Orwell dans certaines grandes lignes.

Tous les tomes ne se valent pas et on a une sorte de coup de mou au milieu de l’histoire, à tel point qu’après nous avoir lancé sur un rythme d’enfer, on a l’impression d’un essoufflement qui nous amène à nous demander où l’auteur veut en venir, s’il a une idée de la fin de son œuvre.

Finalement, ce doute est assez rapidement dissipé et on a une fin digne de ce nom.

En termes de dessin, j’aime beaucoup le style et j’ai vraiment trouvé cela très réussi : expressions des visages, détails des décors,…

Ikigami a été plusieurs fois récompensé :
– Prix spécial BD des Utopiales 2009
– Prix Polymanga 2010 du meilleur Seinen
– Prix du meilleur Seinen aux Japan Expo Awards 2010
– Grand Prix de l’Imaginaire 2010 Etonnants Voyageur
– Sélectionné à  Angoulême 2010

Malgré un passage à vide au milieu de l’histoire, Ikigami est une œuvre très intéressante qui nous amène à nous poser de nombreuses questions sur ce que nous sommes capables d’accepter et nos réactions possibles face à des éléments extérieurs, sources de tragédie. Ce thriller politico-sociologique vaut le coup qu’on y jette un œil.

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