Micah P. Hinson, le bouleversant

Micah P. Hinson sur la scène du Petit Bain à Paris © Freddy Lamme

Le mardi 14 mars 2023, nous sommes allés applaudir Micah P. Hinson sur la scène du Petit Bain, avec Christelle. Une virée parisienne comme un pèlerinage musical. Un vrai moment de bonheur aussi.

Artiste singulier, rescapé de toutes les addictions, songwriter génial et personnage aussi attachant qu’insaisissable, Micah P. Hinson vient de sortir un douzième album depuis 2004. Trempant la plume dans les blessures vivaces de son existence, le natif de Memphis, Tennessee, signe un opus qui semble marquer un tournant dans sa carrière.

Son chef-d’œuvre, c’est « Micah P. Hinson and the Gospel of Progress », son tout premier disque, composé de titres écrits pour la plupart durant son adolescence. Son parcours est celui d’un combattant de démons, d’un survivant de la force obscure. Micah P. Hinson est abîmé. Par les drogues, par la vie dans la rue dans ses jeunes années, par un accident de la route survenu en Catalogne en 2011 aussi, le laissant touché physiquement encore aujourd’hui.

Dans l’émission « C’est à vous », sur France 5, le mardi 14 mars, Pierre Lescure a dédié sa chronique à Micah P. Hinson, qu’il avait découvert, émerveillé, en 2004 avant de le faire venir au théâtre Marigny quelques années plus tard. Un billet très élogieux de la part d’un chroniqueur qui en a vu d’autres, mais que l’on sent ému à en avoir des trémolos dans la voix.

Comme Pierre Lescure, j’ai découvert Micah P. Hinson il y a bien longtemps. C’était en octobre 2008, dans la cave humide de feu l’Emporium Galorium, un café-concert de Rouen ayant vu passer quelques pépites. Les copains d’Avis de Passage ont toujours eu le chic pour programmer l’impensable : Brian Jonestone Massacre, Jonathan Richman ou encore Motorama dans une salle pouvant accueillir 120 passionnés les soirs de grande affluence. Le passage de Micah P. Hinson a été immortalisé par l’indispensable Seb Petit (vidéo ci-dessous), archiviste vidéaste en chef des soirées underground du début des années 2000 à Rouen (il le fait encore aujourd’hui).

 

Comme Pierre Lescure, j’ai organisé un concert de Micah P. Hinson ensuite, avec mon association, Europe and Co (fondée avec Thierry Jourdain en 2008), et évidemment avec les copains d’une autre association : Avis de Passage. C’était en mars 2016. Micah était arrivé à Rouen avec sa petite famille au dernier moment. Comprenez qu’il était arrivé à l’Hôtel, mais qu’il avait zappé les balances au Kalif, la salle qui accueillait alors le concert. Arrivé à l’heure où le concert commençait, il avait juste gratté sa guitare deux fois pour valider la sono qui l’accompagnerait toute la soirée sur scène. Le cauchemar de l’ingé-son. Celui des organisateurs s’était traduit par un malaise. Provoqué par l’artiste à son arrivée sur scène. Malade, sous médicaments, fragile, il avait mis 5 bonnes minutes à enlever son pullover avant de se tromper dans l’introduction de « Possibilities ». Un ami artiste, qui joue aujourd’hui sous le nom de Foray, était sorti sur le parking avec le mal de ventre, avant de revenir dans la salle. Parce qu’entre-temps, la magie avait opéré. Un moment de grâce, sur un fil élimé. On en était ressortis en priant pour que sa condition s’améliore.

En octobre 2017, déjà, sa condition humaine s’était quelque peu améliorée. Nous y étions avec Christelle. Comme d’habitude, il avait râlé après le son, s’était trompé dans une intro, avant de distiller un concert tout en émotion. Ce 14 mars 2023, 5 ans et demi après donc, dans quel état allions-nous retrouver notre Hinson ? Son album « I lie to you », sorti peu de temps avant, révélait une autre facette, une autre forme, que l’on espérait être le reflet d’un homme nouveau. Du moins, dans sa tête et un peu dans son corps. Vraie bonne surprise donc, quand l’animal débarque sur scène, accompagné d’un multi-instrumentiste et d’un batteur de haut-vol. C’est la première fois que nous voyons Micah aussi bien accompagné. Dans une interview réalisée par l’ami Pierre Lemarchand pour Magic PRM, quelques jours auparavant, nous apprenions toute la nouveauté, la façon de composer revisitée, les relations internationales avec des correspondants musiciens et la chasse aux démons du passé. En live, c’est flagrant : il va mieux, ça se voit et ça se sent.

Micah P. Hinson sur la scène du Petit Bain à Paris © Freddy Lamme

Placés au premier rang, un peu excentrés, on se régale du spectacle. Bien sûr, la jambe gauche tremble et se dérobe parfois, mais il nous fait une belle impression générale le Micah. Emporté par ses acolytes, il. Donne tout ce qu’il a encore, raconte ses déboires familiaux, colle son nez sur le micro pour chanter ses petits chefs-d’œuvre (« Wasted days and wasted nights », « Ignore th days ») ou bien des reprises tellement bien retaillées (« People », « 500 miles »). Une soirée magique, un instant suspendu. En sortant de la péniche, on le croise sur le pont en train de fumer une cigarette. Il sourit, nous aussi, on lui demande une dédicace sur le disque fraîchement acheté (l’artiste gagne plus si on lui achète en direct, pensez-y). Il accepte, cherche vraiment dans sa mémoire quand on évoque les concerts rouennais. Son visage s’illumine enfin : il se souvient de la cave, des vieilles pierres et de la ville. Ouf. Décidément, quelle belle soirée.

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