Hellfest 2023 : Etre ou ne pas être

Un départ en fête

Après une édition 2022 comparable au Menu Double King Royal en douze plats du restoroute « A la Grosse Frite Joyeuse » dont l’ingestion sept jours durant avait quasiment eu raison de nos constitutions fragiles, le Hellfest est de retour cette année, du 15 au 18 juin 2023.

La programmation est certes plus réduite, mais tout de même, puisqu’elle s’étale désormais sur quatre jours au lieu de trois. 

En bons pères de famille soucieux de retrouver le même emplacement depuis 20 ans au camping des Gros Joncs de l’Ile d’Oléron, notre inoxydable trio (Niko, Marius et moi-même) a lui aussi repris la route, bien décidé à profiter de cette parenthèse musicale qui repointait le bout de son groin à l’horizon.

D’ailleurs, et c’est une première pour nous, Marius avait anticipé la réservation d’un logement dès l’année dernière pour nous rapprocher autant que possible du festival. Mission accomplie avec brio, pour un gain de temps des plus appréciables au retour des concerts.

… A condition bien sûr de retrouver sa route chaque soir (mais ceci est une autre histoire… Sacré Marius).

Quoiqu’il en soit, et vu que nous adorons faire dans le comique de répétition, nous avons rejoué le même scénar usé jusqu’à la corde : 

Marius a préparé ses p’tites affaires dans sa p’tite valise trois jours à l’avance (c’est qu’il fallait pas se rater). 

Les négociations sur l’heure du départ ont été féroces, notre foufou chevelu souhaitant idéalement partir en février pour être sûr d’arriver au plus tôt sur le site du festival en juin.

Nos belles têtes de vainqueurs ! « PNC aux portes, préparez-vous au décollage »
L’EntrePod, c’est avant tout une aventure humaine, qui rapproche les hommes

Niko et moi sommes péniblement arrivés à lui grappiller une heure de sommeil et nous avons finalement quitté nos vaches et nos prairies vers 9 heures du mat’, pour arriver vers 13 heures.

… Soit une heure en avance sur l’horaire du rendez-vous prévu pour le gîte. 

… Et bien évidemment personne pour nous accueillir.

Alors, je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, j’avoue que le contraire m’aurait (presque) déçu.

Il en faut bien plus pour doucher une ambiance au beau fixe et, une fois installés, nous sommes repartis tous guillerets vers Clisson, le festival ouvrant ses portes à 16h00.

L’EntrePod est dans la place, comme chaque année depuis 2015 !

Une nouvelle édition toujours aussi exceptionnelle

Alors, quid de ce cru 2023 ? Et bien il reste toujours aussi riche et varié que les années précédentes, avec un peu plus de 180 groupes au compteur. Je ne fais pas l’appel des artistes présents, l’affiche parle d’elle-même.

Comme chaque fois, on y retrouve ce subtil mélange de nouveaux venus (Electric Callboy, SpiritWorld, The Hu, Pantera « nouvelle formule »,…) de groupes habitués du festival (Slipknot, Within Temptation, Behemoth, Arch Enemy,…), de dinosaures (Kiss, Motley Crüe, Def Leppard,…), de programmations pointues ou décalées (Bloodywood, Tenacious D, She Past Away…), dans l’esprit de ce qu’a toujours proposé le festival jusqu’à présent.

De même, la scénographie, l’environnement, les décors restent pour leur part toujours aussi exceptionnels et l’immersion est totale.

Les spectateurs qui découvrent le lieu ne me contrediront pas. Vivre le Hellfest pour la première fois reste une expérience hors du commun, un moment magique, dans un cadre à couper le souffle. 

L’organisation ne ménage pas ses efforts pour faire évoluer le site à chaque nouvelle édition, et c’est encore le cas cette année avec, entre autres, la création du Sanctuary, un temple dédié au merchandising, lovecraftien à souhait, ou encore le déménagement, à proximité de la Warzone, de la scène de la Valley, traditionnellement dédiée au post-rock, space rock, stoner, doom,et autres expérimentations sympathiques. 

The Sanctuary, le nouveau temple du merchandising
Fallait être motivé pour dépenser ses sous

Pour autant, et malgré quelques concerts formidables auxquels j’ai pu assister (Céleste, Harakiri For The Sky, Parkway Drive, Amenra, Puscifer, Iron Maiden, Carpenter Brut, les Melvins,…), j’avoue être reparti avec une impression un peu mitigée cette fois-ci.



Une Valley qui s’en va (pas loin, hein…)

Déjà, évacuons d’office l’annulation du show des Fields Of The Nephilim, groupe phare de la scène rock gothique (pour vous faire une idée, allez écouter l’album « Elyzium » ou le plus récent  « Mourning Sun ») et, dans une moindre mesure, celle de The Soft Moon.

Cela fait partie des aléas inhérents à tout festival, l’organisation subissant ces annulations tout autant que les festivaliers. Et puis il y a matière à se rattraper avec les centaines d’autres groupes présents. La déception est de mise cependant.

En revanche, le déplacement de la scène de la Valley me semble plus sujet à débat. L’intention de départ est plus que louable : désengorger un lieu de passage devenu problématique au fil du temps et augmenter la capacité d’accueil d’une scène de plus en plus prisée des festivaliers. 

Le souci est que cette scène, initialement couverte, se trouve désormais en plein air. Certes, le public gagne au change avec deux écrans géants placés de chaque côté, mais j’ai le sentiment qu’une part de la magie propre à l’ancien lieu s’est un peu évaporée dans l’opération.

The Valley, de nuit, ça va encore
De jour, on perd complètement le côté intimiste qu’on avait sous tente

Vous allez me dire, c’est normal, le changement, ça bouscule les habitudes confites dans le jus, c’est une bonne chose et vous aurez certainement raison. 

Plus embêtant toutefois : l’impact sur planification des concerts. La programmation de la Valley fonctionnait jusqu’à présent en alternance avec celle de la Temple (refuge des groupes de post punk, rock gothique, électro, black metal…). 

Ce n’est désormais plus le cas, les groupes programmés jouant à des horaires identiques. Et là, dommage Eliane, car le choix devient dès lors cornélien, sinon impossible, pour les amateurs inconditionnels de ces deux scènes (dont je fais partie).

Bon, on fait avec, hein, et puis il y a largement de quoi s’occuper par ailleurs avec les autres scènes, pour peu que l’on soit friand d’autres genres (punk, hardcore, thrash old school, death metal,….).

Mais là n’est pas le plus important.

Un festival en pleine mutation

Au-delà de ce point « anecdotique » d’organisation, c’est réellement la première année que je ressens autant un changement dans l’esprit général du festival et de nombre de festivaliers que j’ai pu croiser, changement lié à une orientation grand public de plus en plus marquée et complètement assumée par ses organisateurs (changement qui ne date pas d’hier, diront les anciens).

Il y a une réelle logique à cette évolution : avec ses 35 millions d’euros de budget, le bestiau est condamné à être un évènement massif, s’il veut rester rentable, ne serait-ce que pour amortir les coûts de fonctionnement, faire face aux cachets en hausse et aux productions parfois gigantesques de certains artistes, etc… Cela passe notamment par des choix tels que l’augmentation de la durée du festival, ou la hausse des tarifs (329 euros le pass 4 jours), le développement du merchandising et cela se traduit notamment par une évolution du profil type du festivalier, plus âgé, financièrement plus aisé.

Par ailleurs, le Hellfest affiche désormais clairement sa volonté de s’ancrer dans une démarche de développement touristique en lien avec les collectivités territoriales (ville de Clisson, agglo, département, région) qui ont pris toute la mesure de l’impact du festival sur l’économie locale : construction d’une future brasserie avec jeux pour enfants, arrivée prochaine d’une Gardienne des Ténèbres (gigantesque structure articulée pouvant promener jusqu’à 25 personnes), etc…

Résultat, le Hellfest, manifestation devenue extrêmement médiatisée (couverture régulière par Quotidien, retransmission de concerts sur ARTE, partenariat avec FRANCE INTER cette année), est aujourd’hui le lieu où (presque) tout le monde souhaiterait aller au moins une fois, qu’il soit ou non fan de musiques extrêmes. 

Sur le principe, pas de problème. Un festival, c’est comme tout, ça bouge, ça vit, ça évolue et tant mieux. Mais, lors de cette édition, j’ai assisté à de réels « accrochages » entre certains festivaliers que je n’aurais pas imaginés possibles auparavant.

Entre les gardiens autoproclamés de la communauté metal des origines faisant passer des examens de passage à des curieux en ballade, certains spectateurs peu au fait des codes de concert metal, prêts à frapper le premier gamin qui leur passe au dessus de la tête, une mère au premier rang qui filme pendant tout un concert sa fille… qui filme elle-même le show, des blaireaux cinquantenaires imbibés qui se croient manifestement à Phuket en allant emmerder des jeunes filles venues profiter de leur concert (Big Up à la sécurité qui a carrément assuré sur ce coup-là, comme toujours), bref, j’ai trouvé que cela faisait beaucoup cette année….

Heureusement qu’il y a toujours plein de gens qui s’éclatent sans prise de tête (Niko a manifestement vécu un circle pit d’anthologie lors du concert d’Electric Callboy), qu’on fait des rencontres improbables avec des personnes improbables (spéciale dédicace à François le rouennais qui, vu son état général, ne doit plus se souvenir ni de moi ni du concert de Treponem Pal. Mais je te le dis, François, on s’est bien marré, et j’ai bien compris que tu adorais Killing Joke). Et c’est bien là encore toute la grande force du Hellfest et ce qui fait toute son attractivité.

En guise de conclusion

Mézalors, Holy Fuckin’ Jesus, ne serais-je plus qu’un vieux con blasé, revenu de tout ?

Ce serait un comble… Mais pourquoi pas, après tout.

Et si tel est le cas, peut-être est-il simplement temps pour moi d’aller explorer d’autres horizons, regoûter à la nouveauté, pour retrouver cette fraîcheur qui m’avait tant animé les premières années où j’ai découvert ce festival.

Après tout, on n’est pas obligé de revenir chaque été, pendant 20 ans, au même emplacement de ce même camping des Gros Joncs.

Et rien qu’à voir l’engouement de plus en plus important des amateurs de musiques extrêmes pour un évènement tel que le Motocultor Festival qui s’est tenu cet été à Carhaix, on dirait bien que je ne suis pas le seul à y avoir pensé. 

Podcast

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Tranches de vie

La team au petit dej’
Marius révise l’ordre de passage des artistes
Il pleut, mais on garde le sourire
Il pleut, mais on a Marius
Quand on croise les copains de Road to Hellfest
Marius en plein boulot
Photographes dans leur milieu naturel

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