Ca y est, le Hellfest 2018, c’est déjà fini.
Finies, les viriles embrassades généreusement marinées dans la sueur et la bière de chantier, sur fond de double pédale chatoyante et de dépeçage sonore de l’oreille interne.
Finis aussi, les débriefs amoureux en trio dans la moite promiscuité très YMCA d’une chambre d’hôtel en miteuse périphérie de Nantes, pendant trois jours blindés de concerts jusqu’aux molaires.
Car oui, cette année, l’EntrePod au Hellfest, ce n’était pas un, ce n’était pas deux, mais bien trois chroniqueurs présents à Clisson pour couvrir ce rendez-vous incontournable de la scène metal.
Niko et moi-même ayant en effet rempilé, nous avons été rejoints par notre frétillant Marius dont les talents de photographe en concert font l’admiration des petits n’enfants, mais surtout de sa mémé Jacqueline.
… Et faut bien dire qu’il n’a pas chômé, l’animal, en dépit d’un choix de godasses totalement inadapté à la marche à haute dose.
Heureusement qu’il avait aussi prévu des tongs et un maillot de bain (au cas où…).
C’est vous dire qu’à l’Entrepod, on ne mégote pas avec la préparation physique, le sens du devoir et le travail bien fait.
Bref… Le cadre posé, passons au vif du sujet. C’était comment cette treizième édition ?
Un temps magnifique et une programmation riche en découvertes, dans un site toujours aussi magique… et fréquenté (180 000 spectateurs sur 3 jours).
Côté infrastructures, pas de changements aussi marquants que les années précédentes, mais des évolutions fonctionnelles généralement très appréciées : pavage des deux Main Stages et de la Warzone pour limiter la poussière, installation de bancs (très stylés), création d’arches d’eau et de nouveaux bars « post-apo » près des Main Stages… Un système Cashless également amélioré : intégré dans le bracelet fourni, il permettait de manière très pratique de se restaurer sur tous les espaces dédiés du festival.
(une galerie plus complète se trouve plus bas dans l’article)
Côté musique, difficile de ne pas y trouver son compte, vu le nombre faramineux de groupes programmés (159 sur les 6 scènes) et la diversité des styles représentés, du hard rock FM mainstream de Europe au black metal martial/indus de Mysticum.
Le plus dur étant finalement de devoir choisir, sachant qu’il était bien évidemment impossible de tout voir.
S’il ne fallait retenir qu’un seul coup de cœur, ce serait indéniablement le concert de Baroness, pour son incroyable charge émotionnelle.
Le retour précipité du batteur le jour même aux Etats-Unis pour raisons personnelles a contraint les trois autres membres à répéter dans l’après midi un set acoustique pour ne pas annuler le show. Nous nous sommes donc retrouvés très (mais alors très) loin de la bastonnade sonore attendue, et pourtant… Ces musiciens, dont l’émotion et la nervosité étaient littéralement palpables, ont tout simplement accouché d’un pur moment de grâce.
Impossible de ne pas avoir les poils dressés comme des pieux (à moins d’être déjà mort… Et encore) à l’écoute des morceaux réinterprétés avec tant de sensibilité par deux guitares, un clavier et trois voix. Les spectateurs, totalement conquis, ont réservé une ovation finale incroyable aux artistes visiblement très touchés par cet accueil. Une prestation unique, vécue comme telle par tous, sur scène comme dans le public.
Ensuite, et parce qu’à L’Entrepod, nous respirons l’exigence culturelle et la sophistication :
Steven Wilson, pieds nus et t-shirt à l’effigie de Miles Davis, nous a tous envoûtés avec son rock progressif/floydien teinté de jazz ; une succession de morceaux étirés en instrumentaux magnifiques. Se qualifiant lui-même avec humour d’Abba du Hellfest, il n’a pas manqué de gratifier également son auditoire de deux titres de son précédent groupe, Porcupine Tree. Hyper classieux.
A Perfect Circle a offert un show visuellement magnifique, avec une musique à la hauteur de l’écrin. Privilégiant les titres de son nouvel album « Eat The Elephant » (6 morceaux sur les 13 joués), le groupe a livré une prestation ultra léchée, marquée par le charisme théâtral de Maynard James Keenan (pourtant physiquement en retrait sur scène, derrière les musiciens). Seule (petite) réserve à mon goût : une reprise hommage à ACDC (« Dog Eat Dog ») en décalage avec l’esprit général du set.
Cela étant, nous ne demandions qu’à nous faire sévèrement secouer les muqueuses pendant notre séjour et nous avons été servis. Plusieurs formations nous ont ainsi réservé leur lot de moments forts, parmi lesquelles :
Neurosis, la claque, que dis-je, le boutoir post-metal du samedi. Un son massif pour un set incroyable, monumental, atmosphérique et trippant. Le groupe était en transe, et nous avec. Splendide.
Satyricon pour son black’n roll aux riffs ultra-efficaces, son leader, Satyr, aux allures de Dave Gahan fraîchement zombifié et un « K.I.N.G. » des familles magistralement exécuté en clôture de concert.
Septicflesh avec son death metal orchestral mystique dont les titres puissants et amples ont littéralement embarqué le public (et Niko au passage).
Et puis le Hellfest, c’est aussi le moment idéal pour faire tout plein de découvertes. Parmi elles, l’Entrepod a testé et approuve chaudement :
Oranssi Pazuzu et son black metal psyché aux ambiances hypnotiques/expérimentales, loin des clichés habituels propres au genre. Un groupe très apprécié par votre serviteur (moins par Niko qui a fini par rendre les armes, rebuté par la voix).
Le duo de rock indé Jessica 93 : un guitariste/chanteur et un batteur, avec leur boîte à rythmes et leurs boucles. Super efficace, groovy en diable, formidable, quoi. Une vraie bonne surprise. Espérons un groupe au grand complet sur scène à l’avenir, avec un « vrai » bassiste.
Batushka dont le black metal « liturgique » provocateur pourrait en rebuter plus d’un. Empruntant le décorum de l’église chrétienne pour mieux en détourner les codes, ce groupe polonais fait le show avec sa messe noire, ses musiciens encapuchonnés, et son tableau de la vierge et de l’enfant (j’ai vraiment cru qu’ils allaient lui foutre le feu en fin de cérémonie, les cons…). Entre incantations, prières et chant black, il y a largement de quoi se laisser porter par l’atmosphère vénéneuse distillée par cette énigmatique confrérie originaire de Pologne.
Amenra : une véritable claque sonore et visuelle, un rouleau compresseur spectaculaire sur scène. Des ambiances doomesques, tirant vers le post métal/post hardcore/sludge. En un seul mot : titanesque.
Beaucoup d’autres concerts se sont avérés littéralement enthousiasmants et méritent réellement le détour si vous en avez l’occasion : Crowbar, Solstafir, Heilung, Arkona, Orange Goblin, Dead Cross, Dimmu Borgir, pour ne citer qu’eux.
Signalons, pour l’anecdote, In This Moment, enfin… Essentiellement les courbes fessues de sa sorcière-chanteuse Mariah « Carey » Brink qui ont régalé les spectateurs sur écran géant, dans un show théâtral très inspiré notamment de l’imagerie du Labyrinthe de Pan.
Côté grandes gloires du passé, le hard rock kitsch de Judas Priest (Ah, Rob Halford, sa Harley, ses tenues de scène dalidesques…) et, dans une moindre mesure, le speed métal daté d’Accept (« Metal Heart » et sa Lettre à Elise revisitée…) m’ont, je l’avoue, laissé plutôt de marbre. Là où un Iron Maiden au top de sa forme a balancé sans compter deux heures de pur spectacle, régalant les spectateurs de ses classiques inoxydables et d’une mise en scène spectaculaire (avion Spitfire survolant le groupe, combat entre Bruce Dickinson et Eddy, apparition d’un démon géant,…).
Parmi les groupes attendus par votre serviteur, quelques déceptions toutefois : Lords Of Altamont, malheureusement desservis par l’horaire (13h30) et un son médiocre, Alice In Chains, au set sans saveur, et Carpenter Brut, où je me suis ennuyé au final (ce qui n’était manifestement pas le cas du public présent).
Heureusement le punk-rock gay-friendly de Turbo Negro est vite venu rattraper tout ça dans une grande farandole de cuir barbu et de mascara/paillettes pour clore en beauté cette édition 2018.
Bien évidemment, cette liste est forcément subjective, partiale et partielle, l’expérience d’un festival restant toujours une affaire très personnelle.
Cette règle est d’autant plus vraie avec ce festival-ci, au regard de l’offre musicale pléthorique proposée, sans même parler de l’immersion dans un autre monde le temps d’un weekend, toujours aussi hallucinante.
Le Hellfest reste donc encore et toujours LA référence du festival metal en France, en Europe et dans le monde. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard. A travers ses choix de programmation et d’aménagement du site ainsi que l’attention portée aux attentes des festivaliers, la stratégie menée par Ben Barbaud et son équipe depuis plusieurs années a installé durablement cette manifestation dans le temps.
Ce succès s’inscrit en effet très naturellement dans l’esprit d’ouverture prôné par ses fondateurs et leur volonté de donner une identité très forte au festival. Il n’a toutefois pas altéré les valeurs de partage, de tolérance et de générosité qui y règnent toujours en maîtres. Il suffisait simplement d’être présent à Clisson en 2018 pour s’en rendre compte à tout moment.
Et il n’y a aucune raison pour que cela s’arrête en si bon chemin.
Longue vie au Hellfest et rendez-vous l’année prochaine !
On précise/rappelle que L’EntrePod ne se positionne pas comme un média expert et que nous ne sommes pas journalistes ; pour des live reports plus pointus et exhaustifs, n’hésitez pas à vous tourner par exemple vers le podcast Killer on the loose, le Hors-série du magazine RockHard spécial Hellfest 2018, ou tout simplement suivre le compte du Hellfest qui relaie de nombreux articles spécialisés.
Notre approche est basée sur une envie de découverte, de partage d’expérience pour vous inviter à être curieux de nouveaux horizons ; ceci est notre ressenti de festivaliers et vous pouvez retrouver nos retours enregistrés « à chaud » sous forme de podcast.
On remercie une fois encore chaleureusement l’organisation du Hellfest, et plus personnellement Roger, pour nous permettre d’y participer depuis 2015!
Pour finir, voici une petite synthèse de l’édition 2018 vue par l’EntrePod:
Le Hellfest de Marius
- Mon top Top 5 concerts
- Steven Wilson
- Turbonegro
- Iron Maiden
- Church of Misery
- Baroness
- Ma révélation / découverte / coup de cœur du festival
Ma découverte du Hellfest, l’esprit bon enfant et familial du festival, et particulièrement les bénévoles et le staff de la sécurité.
- Ma déception / le coup de gueule du festival
Rien du tout!
Le Hellfest de Ludo
- Mon top Top 5 concerts
- Baroness
- Steven Wilson
- A Perfect Circle
- Neurosis
- Satyricon
- Ma révélation / découverte / coup de cœur du festival
Amenra, Oranssi Pazuzu, Jessica 93, …
- Ma déception / le coup de gueule du festival
Le son de Lords Of Altamont
Le Hellfest de NiKo
- Mon top Top 5 concerts
- Baroness
- Steven Wilson
- A perfect Circle
- Solstafir
- Parkway Drive / Scepticflesh
- Ma révélation / découverte / coup de cœur du festival
Coup de cœur global pour ce festival et son ambiance qui donne l’impression, même après 3 participations, que le temps est suspendu le temps d’un weekend, une sorte de parenthèse enchantée, avec chaque année des améliorations plus ou moins marquées mais mises en place pour améliorer toujours plus l’expérience
- Ma déception / le coup de gueule du festival
La file d’attente impressionnante aux stands de merchandising qui m’a fait renoncer à l’envie d’acquérir un souvenir.
Certains festivaliers qui viennent avec des enfants en bas âge (moins de 7-8 ans) qui semblent subir le festival et surtout qui parfois ne sont pas équipés de protections auditives.
Quelques extraits de nos 3 jours de Hellfest qui donnent une idée de l’éclectisme des musiques et scénographies qu’on peut y trouver :
Et pour être tout à fait complet, comme promis plus haut, une galerie de photos du site, des décors et des festivaliers!
Pour les plus curieux et intéressés par l’organisation d’un tel événement, voici la conférence de presse de Ben Barbaud, fondateur du Hellfest, captée par Loud TV
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