Le temps passe Supergrass

Il y a bien longtemps qu’on n’a plus 20 ans. Mais le meilleur moyen de faire un joli bon dans le temps, c’est de laisser à nouveau traîner ses tympans dans un concert de Supergrass. Les gars d’Oxford sont de retour sur scène, la première a eu lieu le 4 février 2020 au Casino de Paris. Une délicieuse madeleine.

Mercredi 24 septembre 1997. Ce soir-là, Supergrass vient défendre son deuxième album à l’Exo7, près de Rouen. C’est mon premier concert dans la salle mythique, j’ai 19 ans. À cette époque, et depuis lors, je baigne dans cette culture pop anglaise, nourrie par plusieurs voyages effectués à Londres avec les copains. On profitait alors des offres à 5 francs (oui, moins d’un euro) pour traverser la Manche en ferry, monter dans le train et filer jusqu’à la capitale. On allait parfois à Dieppe en stop. On dormait à même la moquette du bateau. Dans les temples de la musique, on achetait les dernières sorties. J’y ai découvert le premier album de Travis, j’ai rencontré les Super Furry Animals lors d’une dédicace, j’ai pris le « Different class » de Pulp dans la tronche, j’ai nourri ma garde-robe de sweats et t-shirts siglés Oasis…

C’est dans ce contexte, au beau milieu des 90’s que « I should coco » arrive dans ma discothèque. Autant le dire tout de suite, il ne la quittera jamais. Premier album frais, punk-rock, énergique et sacrément bien joué, il propulse Supergrass parmi les meilleurs de sa génération. Au final, 1 million d’album seront écoulés. Le temps a fait son œuvre, il figure aujourd’hui parmi les albums from England de l’époque ayant le mieux vieilli. Par chez moi, il ne faisait pas l’unanimité. En partant en vacances en Italie avec les amis d’enfance, en juillet 1998, chacun glissait, à tour de rôle, un CD dans l’autoradio de la Peugeot 305. Ouvert mais ayant quand même posé des limites, Cédric, le proprio de la caisse, avait alors déclaré : « Tout ce que tu veux, mais pas les mecs avec des têtes de singe ».

Revoir Supergrass 22 ans après, mais aussi 10 après la séparation des gars d’Oxford, ça fait quelque chose. La nostalgie déborde parfois par les yeux. Quelques larmes de joie ont coulé sur la belle moquette rouge du Casino de Paris, pendant « Sun hits de sky ». C’était attendu. Du bonheur d’être là, et de retrouver des morceaux éparpillés de soi aussi. Le temps qui file, qui se défile, qui se rappelle à nos bons souvenirs post-adolescents, comme si c’était hier, comme si c’était aujourd’hui.

Entre temps, j’avais eu le plaisir d’accueillir Mick Quinn, le bassiste de Supergrass, pour deux concerts à Rouen, à l’Emporium et au 3 Pièces, avec les copains Thomas et Stan notamment. C’était en 2011 et 2014. Il était venu en toute simplicité, avec son groupe, dB Band. 30 curieux avaient fait le déplacement. Il n’en n’avait pas pris ombrage, nous avait remercié pour l’accueil. Mick n’a d’ailleurs rien oublié, Thomas et Stan ayant été invités en backstage à l’occasion de ce retour en super grâce à Paris. Avec mon amie et collègue Laure, nous sommes repartis avec notre disque dédicacé, heureux comme des enfants.

Hasard, coïncidence ou clin d’œil, les deux premiers morceaux des concerts de 1997 et de 2020 étaient les mêmes, mais pas dans le même ordre : « I’d like to know » et « In it for the money ». Soulignons la parfaite setlist du concert parisien, avec 22 morceaux soigneusement sélectionnés parmi les 6 albums qui composent la discographie du groupe. En rappel, « Caught by the fuzz » et « Strange ones » venaient conclure une soirée magique. On aurait voulu que ça dure, encore et encore, alors qu’à 40 ans, on trouve les concerts de plus en plus longs (la fatigue, le mal au dos, le poids des ans, tout ça…).

Un tel plaisir, mais pourquoi les Supergrass avaient-ils dit stop au fait ? On apprend dans le « Rock & Folk » de février 2020 que le groupe lui-même ne sait pas pourquoi il a tout arrêté. Peut-être qu’il s’était lassé, c’est ce qui transpire des dires des uns et des autres. À l’heure actuelle, on ne sait pas si Supergrass écrira un nouveau disque. Les deux derniers m’avaient quelque peu éloigné de la formation anglaise, à contrecœur. Les quatre premiers faisaient tellement partie de moi. Les revoir dans une belle salle, rejouant leurs meilleurs morceaux, c’est ce qui pouvait arriver de mieux. Sur scène, Gaz cachait sous son chapeau une calvitie naissante, Mick masquait mal ses cernes derrière des lunettes noires, tandis qu’il manquait à Danny le souffle du jeune homme en pleine bourre. Dans le public, les t-shirts étaient un peu plus moulés qu’à l’époque, et les cheveux blancs commençaient à prendre gentiment racine. Qu’importe, la soirée nous a tous rendus beaux. On avait 20 ans à nouveau.

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