Figurec de Fabcaro

«L’enterrement de Pierre Giroud m’a énormément déçu, c’était une cérémonie sans réelle émotion. Tout cela manquait de rythme, de conviction. Le père Rouquet lui-même n’était pas dans son meilleur jour. Non, vraiment, cet enterrement ne me marquera pas, on est bien loin d’Antoine Mendez. Ah l’enterrement d’Antoine Mendez! Sa femme essayant de sauter dans le caveau pour le rejoindre dans l’éternité, ses cris hystériques, ses trois fils la retenant dans des spasmes maîtrisés de grands garçons face à la mort, le discours de son meilleur ami admirablement ciselé… Antoine Mendez, voilà quelqu’un qui a réussi son enterrement.»
À force de courir les enterrements, le narrateur est devenu un expert en la matière. Mais à bien regarder l’assistance, il semblerait qu’il ne soit pas le seul…

Je mets une nouvelle fois en avant un auteur bien connu de l’équipe et des auditeurs de l’EntrePod puisqu’il s’agit de Fabcaro pour son premier roman Figurec, publié en 2006.

On avait déjà présenté un roman de cet auteur, plus connu pour ses BD, avec Le Discours.

Dans Figurec, on suit un jeune auteur, plutôt loser, en recherche d’inspiration pour sa pièce qui n’avance pas, d’une vie sociale et amoureuse, de reconnaissance familiale.

Connerie et clichés sur le mythe de la création… On n’écrit pas parce qu’on est mal, on écrit parce qu’on l’a été… Tu me vois écrire dans mon état ? Des pantoufles, un café, une clope, une cheminée avec un chat devant, un ordinateur et un salaire qui tombe chaque mois, le voilà le terrain propice à la création, là on peut écrire sur la souffrance… Dans l’état où je suis, on reste au lit. On reste au lit et on attend que ça se passe.

Pour tuer le temps, il s’est trouvé une occupation singulière : assister aux enterrements de personnes qu’il ne connait pas, les commenter et les classer par ordre de réussite à ses yeux.

A force d’arpenter les allées des cimetières et d’écouter les oraisons funèbres, il devient un peu LE spécialiste en la matière, mais en fin observateur qu’il est, il se rend compte qu’un visage lui devient de plus en plus familier parmi les anonymes.

Quand le contact s’établit, un mot est lâché : Figurec

A partir de là, il découvre un tout autre plan du monde qui l’entoure (un peu comme Néo qui découvre ce qu’est la matrice ou Truman Burbank apprenant son rôle dans The Truman show) et s’en approprie les règles.

La présence d’Anna à la plupart de nos repas me soulage amplement. L’intérêt général se focalisant alors sur elle plutôt que sur moi, je peux me permettre d’être moins présent. On s’intéresse à sa réussite plutôt qu’à ma médiocrité, à ses études plutôt qu’à ma pièce qui avance petit à petit…

Dès Figurec on retrouve les angoisses propres à Fabcaro : le manque de confiance en soi, le jugement des autres, les relations interpersonnelles, les réflexions internes (souvent absurdes) que cela engendre, mais aussi finalement, sous couvert d’humour, il y a un questionnement plus large sur le fonctionnement de nos sociétés (doit-on faire ce qu’on attend de nous ou faire ce qui nous convient ? tout peut-il s’acheter ? l’image passe-t-elle avant la sincérité ? quel « contrat social » passe-t-on avec nos amis ? etc. ), sans tomber dans une théorie du complot.

L’homme a horreur du vide, il a qu’une peur, c’est se retrouver seul face à lui-même, face à sa pauvre condition. Alors on lui fabrique un tas de trucs pour qu’il soit accompagné en permanence, la téloche, Internet, le portable… Personne va dans un endroit vide, mon gars. Entrer dans un commerce vide, c’est comme se jeter du haut d’une falaise. On a besoin de sentir la connerie humaine à proximité, c’est une chaleur qui rassure…

Et bien sûr, c’est toujours contextualisé avec des éléments de la culture populaire (avec des références qui plairont certainement à ceux qui ont grandi dans les années 80) qui permettent l’identification et l’ancrage dans un réel crédible, mais décalé.

Nous levons nos verres et, pendant que Macumba danse tous les soirs pour les dockers du port qui ne pensent qu’à boire, nous trinquons dans la joie, l’un parce qu’il est cocu, l’autre parce qu’elle a raté sa vie, et le troisième parce qu’il se ruine en faux-semblants pour s’acheter un dernier résidu de dignité.

Tout autour du narrateur, on trouve des personnages également intéressants/intrigants et bien construits, ce qui contribue à l’implication du lecteur qui peut suspendre son incrédulité durant la lecture.

Je tente désespérément de cacher mon humeur maussade en souriant à tort et à travers. Ma mère a préparé une raclette, tout paraît plus gai autour d’une raclette.

A noter que Figurec a été adapté en BD, ce qui me donne envie de la découvrir

Casterman - Figurec

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